Pourquoi Air France a abandonné ses Airbus A380

Il y a plus de cinq ans, Air France a immobilisé sa flotte d’Airbus A380, marquant ainsi un changement majeur dans ses vols long-courriers internationaux.

Lorsque le plus gros avion de ligne au monde a été immobilisé, des questions se sont posées quant à l’avenir de cette série dans les opérations de la compagnie française.

Avec son retrait imminent, la durée de vie du programme a été écourtée, et l’avion n’est jamais revenu, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Que s’est-il réellement passé au cours de ces années ?

Les Airbus A380 cloués au sol

En réaction à l’apparition de la pandémie de COVID-19, aux restrictions gouvernementales et à bien d’autres conséquences, la demande pour les voyages internationaux a chuté à un niveau jamais vu auparavant.

Air France a ainsi été contrainte de clouer au sol une grande partie de sa flotte, et l’attention s’est rapidement portée sur l’Airbus A380, un appareil à très grande capacité qui n’était plus nécessaire dans ce contexte.

À la mi-mars, la compagnie a confirmé que ses derniers A380 encore en service — après que certains appareils aient déjà été restitués à leurs loueurs à la fin de la décennie précédente — seraient immobilisés.

À ce stade, compte tenu des incertitudes liées à la situation, cette immobilisation ne signifiait pas encore un retrait définitif de l’appareil. C’était plutôt une décision d’attente, un « on observe et on verra ». Mais au fil des semaines, la demande restait absente, et même en recul, tandis que les compagnies aériennes subissaient chaque jour un peu plus la pression financière.

Face à ces contraintes économiques, il a fallu prendre certaines décisions, parfois difficiles, pour assurer la survie de l’entreprise si les restrictions devaient se prolonger non pas seulement quelques semaines, mais plusieurs mois.

En avril, Ben Smith, le PDG du groupe Air France-KLM, a déclaré qu’en interne, on s’attendait à ce que l’A380 ait déjà effectué son dernier vol commercial programmé.

Avec une demande quasiment inexistante, de nombreux analystes estimaient que l’heure de l’A380 avait sonné et que le sort des appareils encore immobilisés était scellé : direction la casse, faute de marché de seconde main.

Une retraite déjà planifiée ?

Même avant l’immobilisation de toute la flotte d’Airbus A380, Air France avait déjà confirmé son intention de retirer cet appareil du service.

Benjamin Smith, le PDG du groupe Air France-KLM, avait exprimé dès sa nomination en 2018 sa volonté de ne pas conserver l’A380 sur le long terme dans la flotte.

La décision initiale prévoyait la sortie de service de la moitié de la flotte, soit cinq appareils loués. Deux de ces contrats de location devaient expirer fin 2019, les autres devant suivre peu après.

L’engagement total d’Air France pour l’A380 n’a jamais dépassé dix exemplaires, malgré une commande initiale de douze appareils. La compagnie n’a d’ailleurs jamais exploité autant d’A380 en même temps, deux exemplaires ayant été convertis en commandes d’Airbus A350, plus petits et plus efficaces.

À peine six mois plus tard, à la mi-2019, la compagnie annonçait que l’ensemble de ses A380 serait retiré d’ici 2022, et ce bien avant l’apparition de la pandémie de COVID-19.

Cette décision, prise lors d’une réunion du conseil d’administration, faisait suite à une réévaluation de la stratégie de l’entreprise et de l’environnement concurrentiel. Si l’A380 offre une capacité importante, il entraîne aussi des coûts plus élevés en carburant et en maintenance, ainsi qu’une empreinte carbone importante, autant de points que la compagnie souhaitait réduire à l’époque.

Air France fait ses adieux à ses A380

En mai, deux mois après avoir décidé d’immobiliser sa flotte d’Airbus A380 et face à une demande toujours plus faible, Air France a tranché : le plus gros avion de ligne du monde serait définitivement retiré du service.

La compagnie a annoncé, avec effet immédiat, qu’elle ne ferait plus jamais voler l’appareil et qu’il ne reviendrait pas en exploitation, avançant ainsi de deux ans la date de retrait initialement prévue.

Pour remplacer l’A380, Air France a indiqué qu’elle miserait sur des appareils comme l’Airbus A350 et le Boeing 787. Bien qu’offrant moins de capacité, ces modèles sont nettement plus efficaces sur le plan opérationnel et énergétique.

Pourquoi l’A380 n’a jamais fonctionné pour Air France

Si la pandémie de COVID-19 a incontestablement accéléré le retrait de l’appareil, celui-ci était également lié à sa faible efficacité opérationnelle et à des décisions déjà envisagées auparavant. Il existait aussi un problème propre à l’intérieur de l’avion.

Depuis longtemps, l’idée circulait que les A380 d’Air France n’étaient pas au niveau, surtout si on les comparait aux autres avions long-courriers de la compagnie, et encore plus face aux appareils équivalents exploités par d’autres compagnies.

De nombreuses compagnies ont su tirer parti de la capacité exceptionnelle de l’A380 en développant des aménagements haut de gamme, capables d’attirer des passagers précisément pour voler sur ce modèle plutôt que sur un autre, en particulier dans les classes premium.

Chez Air France, en revanche, la cabine de l’A380 faisait régulièrement l’objet de critiques sévères. La classe affaires était souvent considérée comme l’une des moins compétitives du marché : non seulement datée et vieillissante, mais aussi en retard de plusieurs générations par rapport aux standards de l’époque.

Face à cette situation, la compagnie savait qu’un investissement majeur serait nécessaire pour moderniser la cabine. Lorsqu’il était encore prévu de retirer seulement la moitié de la flotte, un projet de rénovation semblait envisagé, mais suscitait déjà des doutes.

Certes, un tel investissement aurait pu être vu comme un pari sur l’avenir, une démarche que la plupart des compagnies entreprennent à un moment ou un autre dans le cycle de vie d’un appareil ou d’un type de flotte. Mais Air France n’a jamais eu un attachement particulier à l’A380. Les coûts de maintenance de l’avion augmentaient, et l’idée d’un avenir sans lui apparaissait de plus en plus comme la meilleure option.

Ainsi, oui, un réaménagement aurait pu être réalisé, mais dès lors qu’Air France ne croyait pas en l’avenir de l’appareil, pourquoi investir des millions et mobiliser des ressources pour un produit jugé non rentable ?

Au final, l’A380 a été immobilisé, puis retiré du service plus tôt que prévu, et contrairement à certaines compagnies aériennes, il a été retiré définitivement. La série n’a pas repris du service depuis cette décision, à quelque titre que ce soit.

Au lieu de cela, Air France opte désormais pour une flotte plus rationalisée et, à long terme, mise sur les produits bimoteurs, donc beaucoup plus efficaces, d’Airbus et de Boeing.

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